LECTURES

Un petit tour dans ma bibliothèque parmi mes livres préférés, les pages que j'adore, des curiosités, des introuvables et pourquoi pas de temps en temps, des pages que je déteste.

  FEUILLE DE ROUTE    

Déjà 3 numéros pour ce fanzine publié par les éditions du Parasite, constitué d'anecdotes écrites par les membres de divers groupes de rock. Que des aventures foireuses ou incroyables vécues au cours de tournées à travers la France et d'autres pays. Il y a la péripétie très commune du concert pourri avec une seule personne dans le public, celle du patron du bar qui a complètement oublié que le groupe devait jouer, mais aussi la soirée improbable, arrosée d'un alcool tout aussi improbable, dans un pays dont on ne parle pas la langue. Et des moments de joie et d'euphorie collective. Non seulement j'ai trouvé ça drôle mais c'est aussi très bien écrit. Mehdi, l'éditeur, m'a juré ses grands dieux qu'il n'avait fait que des corrections d'orthographe et de syntaxe, là où j'étais certain qu'il avait tout harmonisé de sa main. Bientôt un n°4, j'espère. Ça me donne envie de faire la même chose avec des anecdotes de festivals de BD (l'Association l'a un peu déjà fait dans les vieux numéros de Lapin).

 LE SERMENT DES LAMPIONS 

Une BD piochée à la médiathèque au rayon jeunesse, et que je relis pour la troisième fois. Le dessin est dynamique tout en restant simple, le scénario lorgne clairement du côté de Miyazaki (le ouèbe m'apprend que l'auteur, Ryan Andrews, vit au Japon), bref rien de très remarquable à première vue, mais je suis tombé sous le charme. Cinq gamins font le serment de suivre jusqu'au bout les lampions que selon la coutume on jette à la rivière la nuit de l'équinoxe. Mais ils se dégonflent les uns après les autres, et ne restent bientôt que Ben et Nathaniel, qui vont vivre cette nuit-là une aventure inédite. C'est drôle et triste à la fois sans en faire trop, c'est juste et sensible, et ça m'a rendu curieux de lire ce que fera Ryan Andrews par la suite. 



 LES AVENTURES D'OLIVIER DÉSORMEAUX : ÂGE ? MOYEN ! 

Quand j'étais ado, j'aimais bien parcourir les catalogues des éditeurs de bande dessinée, que je prenais à la librairie ou au festival d'Angoulême. Dans celui de Dargaud il y avait cette couverture, toute petite, qui m'intriguait beaucoup. Je l'avais oubliée, jusqu'à tomber sur le livre chez un bouquiniste. Richard de Muzillac au scénario, Diego de Soria au dessin, on est dans un moyen-âge de conte et chaque petite histoire met en scène selon des combinaisons diverses un pauvre bûcheron (Olivier Desormeaux), une vieille avec un fagot qui se transforme en fée, un seigneur félon et une princesse. Pas déçu : c'est drôle et stimulant, et malheureusement trop court (mais bon, le nombre de combinaisons était sans doute limité). Le ton rappelle fortement Bernard Lermite de Martin Veyron : dialogues sarcastiques, ellipses à la hache, obsession sexuelle et rebondissements inopinés. Intairnaite m'apprend que c'est bien Veyron qui se cache derrière le pseudonyme de Richard de Muzillac. Diego de Soria a lui disparu dans la nature, à moins que ce ne soit aussi un pseudonyme, ou qu'il ne soit devenu gardien de but en Uruguay après s'être débarrassé de sa particule. Personne n'a jamais pensé à rééditer ce livre improbable ??!

 PIRANHA CLUB  

J'ai découvert le comic strip Piranha Club dans la revue Bananas, qui paraissait en kiosque dans les années 90. Les éditions Rackham ont ensuite sorti sans succès un recueil en librairie. La série de Bud Grace s'est d'abord appelée Ernie, du nom du personnage principal, qui s'est vite fait piquer la vedette par son oncle Sid, effroyable pingre prêt à tout pour gagner le moindre dollar. La plupart des personnages (peu recommandables) appartiennent au Piranha Club, association dont les membres rivalisent d'escroquerie pour obtenir chaque année le titre de "Piranha of the year" (c'est le plus escroc qui gagne). Quand je lis Piranha Club, je rigole beaucoup, parfois je suis effaré par l'absence de scrupules de l'auteur, qui semble ne s'autoriser aucune limite pour faire rire. Pour ça, ça fait pas mal penser aux premiers "Popeye".
Le strip a duré presque trente ans (1988-2017), sans mollir, et semble très populaire en Suède, mais bizarrement aucune maison d'édition n'a pris en charge l'édition intégrale aux Zétats-Zunis. Si bien que Bud a fini par s'en occuper lui-même : il vend les recueils par série de deux années complètes sur lulu.com. C'est assez mal édité : impression dégueue, fautes de frappe, strips reproduits deux fois, dessin de couv identique pour tous les tomes, pages du dimanche manquantes, ... Mais bon, faute de mieux.

 LE CHANT DE L'ASSASSIN 

J'ai lu des polars beaucoup plus intéressants durant cet été 2020, mais j'ai envie de parler de celui-ci, parce que je l'ai trouvé particulièrement nul (c'est pas si souvent). L'intrigue est étirée au possible et m'a fait bailler ou lever les yeux au ciel plusieurs fois. Les dialogues sont insupportables : répétitifs, gnangnans, bourrés de clichés, les personnages sont tout aussi inconsistants et vus mille fois. Pourtant je suis allé au bout des 500 pages de ce navet littéraire (plutôt en diagonale sur la fin). Pourquoi ? Mmmh pour voir si cette insipidité était voulue peut-être.
Je me suis demandé comment c'était possible que ce soit aussi mauvais. Si c'était parce que l'écrivain (britannique) parlait d'un territoire qui lui est étranger (le Texas), ou si les traducteurs étaient particulièrement nuls. Bon, après tout ça peut arriver de foirer un bouquin après en avoir écrit de bons, mais alors pourquoi les éditeurs l'ont-ils publié ? Je suis allé sur le web, pour voir si des critiques littéraires avaient marqué cette bouse au fer rouge, mais même pas ! Ellory se tape des cinq étoiles chaque fois qu'il sort un livre.
Alors bon, c'est peut-être moi qui n'y connais rien. En tout cas ça ne m'a pas donné envie de lire ses autres pavés. 

 ENTRE UN NÉANT ET UN AUTRE  


Recueil de textes publiés dans Ratcharge, fanzine consacré à la musique (punk mais pas que), et diablement bien écrit, ce petit livre m'a emballé. Si bien qu'après j'ai couru à la Fanzino lire tous les numéros. Alex vit à Lyon, et parcourt le monde des concerts et des squats depuis la Nouvelle Zélande jusqu'à San Francisco. On ne sait pas s'il a réellement vécu tout ce qu'il raconte, ou si comme John Fante et Bukowski il en rajoute un peu (il y a aussi des nouvelles pas autobiographiques), mais on s'en moque, c'est drôle, désespéré et enlevé, en plus l'édition est très belle (éditions Des Mondes à Faire).




 COURTES DISTANCES 

Un livre de Joff Winterhart, dont j'avais déjà beaucoup aimé l'été des Bagnold.
Les personnages et les décors n'ont a priori rien de séduisant, mais l'auteur nous les rend attachants, par sa façon subtile de faire résonner les dialogues et les attitudes, et par son dessin qui pourrait évoquer Posy Simmonds, mais en plus caoutchouc. J'ai rarement lu une approche aussi fine de l'adolescence, sauf peut-être chez J. D. Salinger.
C'est mon dernier coup de coeur en bande dessinée, il est en sélection pour le festival d'Angoulême 2019 !  




 THE CUTE MANIFESTO


"Craft is the enemy" -le savoir-faire voilà l'ennemi- est une des phrases-clef du fameux "manifeste mignon" de James Kochalka. Ce recueil de textes théoriques et de bandes dessinées expérimentales mis bout à bout a effectivement valeur de manifeste : on saisit pourquoi l'auteur fait de la bande dessinée, pourquoi il en fait comme il en fait, et pourquoi c'est essentiel. Je lis et relis ce petit livre régulièrement, tout comme "Magic boy and girlfriend", le premier recueil de ses histoires autobiographiques, puis je referme et je m'assoupis sur un petit nuage.




 LIMONOV  

Ma lecture de l'été 2016.
J'aime les livres d'Emmanuel Carrère depuis que j'ai dévoré la Moustache un été en Corée du Sud. Depuis L'Adversaire, il suit un chemin ténu entre autobiographie et documentaire. J'avais beaucoup aimé un Roman Russe, je n'avais pas accroché à son Royaume, peut-être parce qu'il me manquait celui-ci, publié entre les deux. Cette pseudo-biographie de l'espèce d'aventurier moderne qu'est Limonov lui permet de dresser le portrait de la Russie contemporaine, et plus largement du monde contemporain. Ça m'a fait le même effet que l'avocat de la terreur, le film de Barbet Schroeder sur Jacques Vergès. Le genre d’œuvre qui me donne la sensation d'assembler d'un seul coup les pièces d'un puzzle dispersé dans ma tête.



 COUILLES DE TAUREAU 

Une bande dessinée allemande de Ralf König, qui m'a fait beaucoup rire.
Je découvre Ralf König en ce moment, et j'aime beaucoup ses histoires longues, surtout celles avec Konrad et Paul, couple homo au long court, dans lequel Konrad est l'intello et Paul le bad boy obsédé sexuel.
Ici Paul est raide dingue d'un maçon espagnol super canon, malheureusement hétéro, tandis que Konrad tombe amoureux de son jeune élève de piano, qui a une mère très possessive. Gare au vaudeville !
C'est marrant, attachant, parfois porno, bien senti, bien écrit, le dessin fait penser à du Brétécher en plus crado, franchement, je crois que je vais m'acheter l'intégrale pour Noël.




 350 CHANSONS ANCIENNES 

Une fois n'est pas coutume, voici un petit livre que je viens juste d'acheter dans un vide-grenier.
Et si j'ai très envie d'en parler c'est pour la qualité de l'édition.
Voici un recueil de chansons traditionnelles françaises format 16x12 à l'italienne, qui date des années 70, mais c'est sans doute une réédition. la couverture, en trois tons (rouge, vert et bleu), est très jolie, et l'intérieur est composé de façon très simple, avec de petites illustrations, imprimé en noir sur un papier bouffant un peu jauni. J'aimerais bien trouver le nom de l'illustrateur.
Il y a "voici le moi de mai où les fleurs volent au vent", "Perrine était servante", "Dans les prisons de Nantes", avec partition et tout. Le livre commence par les 20 "conseils du chanteur anonyme", quelques extraits :
1/ D'abord si on te demande de chanter, ne te fais pas prier, c'est impoli et c'est vieux genre
2/ Si tu n'as pas une très belle voix, chante quand même. Si tu t'appliques à bien chanter, ce sera mieux que les plus beaux ténors qui, parfois, poussent leur chant sans s'en donner la peine.
(...)
12/ Pour les chansons connues, demande que tous reprennent au refrain. On ne donne pas en solo ce que tout le monde sait.
etc. etc.
C'est édité par "les éditions ouvrières", Paris 13e.












 LA BANDE DESSINÉE CHINOISE 

Une curiosité parue dans le Super Pilote Pocket n°2 (octobre 1968). Ces pages ne sont pas signées, mais le scénario ressemble fortement à du Goscinny : mise en miroir, jeu sur les clichés, et conclusion à la "Dingodossiers". Je suis incapable de reconnaître le dessin, pas très habile par ailleurs. Ce dessinateur est présent dans d'autres Pilote Pocket, mais ne signe jamais. Est-ce que ça pourrait être Goscinny lui-même faisant du remplissage ? Cette histoire m'a beaucoup fait rire quand je l'ai découverte, même si elle se finit un peu abruptement et qu'on pourrait encore aller plus loin sur le même thème.


 LE DESTIN DE MONIQUE  


Le livre de Claire Brétécher que je préfère.
C'est une longue histoire à rebondissements, dans laquelle l'actrice Brigitte Sevruga a recours à la fécondation in vitro. Le dessin de Brétécher est à son meilleur, et les dialogues sont excellents. J'aime beaucoup comment elle fait parler Candida, la bonne portugaise, et sa fille. Les personnages sont très bien sentis, et même si les bébés-éprouvettes ne sont plus aussi présents dans l'actualité, je me marre toujours autant en le lisant.
Édité par l'auteure en noir et blanc dans les années 80, il a été réédité en couleurs chez Dargaud sous le titre "Une saga génétique". Drôle d'idée.



 MONSIEUR LAMBERT 
 suivi de L'ASCENSION SOCIALE DE MONSIEUR LAMBERT 


Je sais pas vous mais moi je préfère Sempé quand il raconte des histoires. J'aime beaucoup Marcellin Caillou, et les histoires courtes publiées dans Rien n'est simple et Tout se complique. Son trait est d'une élégance folle, mais je suis moins amateur de ses dessins d'humour. Paradoxal : Sempé ne veut pas être considéré comme un auteur de bande dessinée, pourtant c'est là qu'il est le meilleur. 
J'ai découvert L'Ascension sociale en épisodes dans Charlie Mensuel, et à l'époque je n'y comprenais pas grand chose : qui raconte l'histoire ? Pourquoi ne voit-on (presque) que l'intérieur de ce café parisien alors que l'action se déroule ailleurs ? Depuis que j'ai acquis ce livre et enfin tout lu d'un seul trait, je le considère comme un chef-d'oeuvre. Ici le principe de la relation texte-image est particulièrement subtil et le propos est acerbe, je dirais même désenchanté.
Pourquoi n'a-t-il pas continué dans cette veine-là ? L'ouvrage a-t-il été un échec commercial ? S'est-il fâché avec Wolinski car il ne lui avait pas payé ses pages ? Considère-t-il ce travail comme insurpassable ? Mystère. Si j'étais Monsieur Denoël, j'obligerais par contrat Sempé à ne plus produire que des livres aussi bons que celui-ci.


 LE SENS DE LA VIE ET SES FRÈRES 

Le seul recueil de bandes dessinées du mystérieux Éric Veillé.
Des histoires en une ou deux pages, dessinées en tout petit, et dans une langue qui est du français, mais euh pas tout à fait pareil.
Je garde ce livre près de moi, car de temps en temps je l'ouvre au hasard, je lis, et c'est comme si je venais de goûter une pâtisserie exotique, avec des saveurs que je n'arrive pas à identifier mais c'est quand même beaucoup de plaisir. Mieux qu'un régime.
Dans ma tête je l'associe à "la chasse au Snark" de Lewis Carroll, pourtant ça n'y ressemble pas.
J'aimerais bien qu'Éric Veillé fasse d'autres bandes dessinées, et en même temps, ce livre-ci est tellement nourrissant que si j'en lisais un autre je ferais sans doute une overdose.


 DIARY OF A MISCREANT 

À l'occasion des 20 ans de la Fanzinothèque en 2009, Cécile (la directrice) m'a mis dans les mains "Morgenmuffel", le fanzine d'une anglaise nommée Isy Schultz, activiste anarchiste et féministe, qui vit dans un centre social autogéré, pratique le self-defense, prépare de la cuisine vegan pour des festivals de musique hardcore, participe à des manifs un peu partout dans le monde, et et et raconte tout ça en bande dessinée. Les éditions Last Hours en ont édité un recueil, au titre évocateur ("journal d'une mécréante"). 
Au début c'est lapidaire, pas très détaillé, mal raconté, et puis au fur et à mesure, elle se confie davantage, soigne son écriture, et ça prend de l'épaisseur. Ca n'est vraiment pas bien dessiné, et à la fois maniéré, comme si elle n'avait jamais lu que Tintin ou Alix, mais qu'importe, on sent l'envie de raconter, d'exprimer des idées, et sa vie est suffisamment trépidante et joyeuse pour qu'on ne s'embête pas. J'ai particulièrement aimé le passage sur son voyage en Corée du Sud (la mère d'Isy est coréenne et son père allemand). 
Depuis, Isy Schultz a sorti peu de fanzines, moins d'un par an, mais elle continue. Elle pratique à présent le roller derby.





 



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